Carnet 6 – Janvier / Août 1916

Livre 6

1913-1914-1915-1916

Campagne

Gabriel Bouffies, classe 12

D’octobre 1913 à décembre 1915

6ème groupe Cycliste / 6ème division de cavalerie

Secteur postal : n°142.196

 

Versé le 6 décembre 1915

au 107ème Bataillon de chasseurs à pied

3ème compagnie

Secteur postal N° 179

 

  1. Gabriel Bouffies

Né à Lamothe-Capdeville, Tarn et Garonne.

 

Sur le champ de bataille, récit de ma morale en temps de guerre.

Edité par l’auteur, Gabriel Bouffies.

 

Des choses ajouter écrit au début du carnet à écrire (voir carnet)

 

Citations du 6ème groupe cycliste

Deux à l’armée, deux à la division

  1. 16 octobre 1914 : Prise de Sailly sur la Lys.
  2. 26 octobre 1914 : Sauve une batterie anglaise à Passchendaele ( Belgique)
  3. 4 et 12 novembre : Zonnebeke, résiste au bombardement et violente contre-attaque.
  4. 25 juillet 1915 :  Prise du village de l’Aunois et tranchées ennemies !  Le fanion est décoré de la croix de guerre, 2 palmes, 2 étoiles, le 31 octobre à Bayon, Meurthe et Moselle.

 

Chasseur : Bouffies Gabriel, au groupe cycliste de la 6e division de cavalerie. Très belle conduite en temps de paix, il fait toute la campagne et a fait preuve dans toutes les missions qui lui ont été confiées sur le champ de bataille des plus belles qualités de courage,  d’énergie, d’intelligence et de sang froid. S’est bien comporté en toute circonstance, montrant ainsi un bel exemple pour ses camarades. S’est brillamment conduit dans les combats les plus violents, le 9, 18, 21, 25 août 1914, 14 septembre, 15 octobre, 27 octobre, 1er, 4, 12 nov 1914, 25 juillet 1915. Est parti plein de courage, d’ardeur et d’audace à l’assaut d’un village et de tranchées ennemies. A souvent coopéré à la prise des groupes de prisonniers. 13 octobre 1915. Malgré un terrible bombardement, a continué d’observer à son poste de sentinelle. Après les attaques, désigné d’office comme brancardier, a fait preuve d’un dévouement et d’un courage digne des plus beaux éloges. Supporte les souffrances avec un grand courage et accepte son sort avec une résignation admirable.

Fait au groupe cycliste le 28 novembre 1915,

le commandant du groupe Capitaine Marmies

 

Août 1914 ( Vosges,  Meurthe et Moselle, Lorraine) /  6 septembre : Marne / 2 octobre :  Nord / 22 novembre : Belgique / décembre :  Oise / 25 janvier 1915 : Aisne / février 1915 :  Alsace / 9 mai : Pas de Calais / 2 juillet : Vosges /  premier septembre : Meuse / 1er octobre : champagne / 2 novembre :  Meurthe et Moselle.

 

Carnet de route (suite)  de la campagne 1914-1915

ce carnet contient quelques petits détails sur la vie militaire en campagne dans les tranchées,  les heures et journée tragique sur le champ de bataille, certifié conforme par l’auteur Gabriel Bouffies au 107ème  bataillon de chasseurs à pied 3ème compagnie postale n:179

 

1er janvier 1916

Nous nous trouvons dans le Doubs à 22 km de Montbéliard, dans un petit village appelé Meslières près de la frontière suisse. Nous sommes logés ou chez les habitants ou dans des chambres très propres où l’on a de la bonne paille pour coucher. Nous sommes réveillés tous les matins à 5h30 et départ à 6h30. Nous allons travailler près de la frontière suisse :  nous faisons là des fortifications, des réseaux de fils de fer afin d’arrêter l’élan des Allemands qui des fois pourraient bien essayer de percer par la Suisse. Ce matin-là, nous passons à Glay, petit village où il y a la moitié du bataillon. Nous prenons sur les épaules un beau rouleau de fils de fer que nous montons sur la crête des montagnes à 900 mètres d’altitude. Arrivés là, nous formons les faisceaux et nous nous mettons au travail. Les uns plantent les piquets et les autres placent les fils de fer, puis à 10h, on descend au village à Meslières. A 11h, nous mangeons la soupe; l’ordinaire est remarqué par le dessert : pomme,  noix, orange et cigare, un quart de vin bouché de Bordeaux. L’après-midi, on a nettoyage et quartier (libre).

 

Dimanche 2 janvier 1916

Réveil 7h, on va prendre une douche à l’usine située au coin du village. Après la soupe, on repart au travail : nous entrelaçons les fils de fer en faisant des rosaces.

 

3 janvier 1916

Réveil même heure et départ 6h20. Nous revenons au même travail. A 10h, on nous apporte la soupe est à midi on repart au travail, malgré la pluie qui tombe à verse tout le temps. A la nuit, on quitte.

4 janvier 1916

On repart à la même heure, nous plantons les piquets de retraite où l’on attache le fil de fer et après la soupe vers midi. Je quitte la compagnie, je descends au patelin et je pars en permission. Le soir à 7h, je prends le tramway à Hérimoncourt, qui nous emporte jusqu’à Montbéliard, en passant par Audincourt. Je pars avec quelques camarades; nous faisons tamponner la permission et à 9h nous montons dans le train. Nous passons par Besançon,   Dijon, Mâcon, Villefranche, Lyon où nous avons 6 heures d’arrêt. Nous descendons à la gare de Perrache et nous sortons en ville afin de bien déjeuner. Nous nous promenons bien et nous prenons le tram; nous allons à la gare prendre le train à 1h. On part, on quitte Lyon. Nous passons par Tarare, Roanne, Montluçon, Limoges, Brive, Cahors et Montauban où je débarque après 34 heures de voyage. Je me rends à pied chez moi donc je les surprends bien tous. Ils sont contents de me voir arriver. Je fais signer ma permission à la gare et je repars le 13 au matin. Pendant ces quelques jours, je suis très heureux de pouvoir passer de bonnes heures avec mes parents et amis.

13 janvier 1916

Je me rends à la gare à 11h. Je fais tamponner la permission et nous partons ensuite “ adieu le bon pays natal” et Montauban. Arrivé à la gare à 11h, le train vers ma direction est parti à 10h20, alors j’attends le train du lendemain. On me tamponne pas la feuille et je repars chez moi. Je passe encore une bonne journée dans ma famille et je repars alors le lendemain 14 par le train de 10h20.  Je passe par Cahors, Brive, où l’on change de train après on arrive à Limoges. Je descends et j’attends la direction de Lyon, mais après inutile, pas de train, que le lendemain au soir à 11h20. Je passe une belle journée à Limoges : je visite la ville, ensuite nous arrivons à Bourges, puis Vierzon où nous changeons de train. Nous passons à Chagny puis Melun ensuite à Dijon vers 3h. Nous n’avons de train que le lendemain à 3h50. Nous allons nous balader et souper en ville puis nous couchons dans la gare. A l’heure indiquée, nous montons dans le train : nous passons à Dôle, Auxonne, puis Besançon et enfin Montbéliard où je débarque à 10h du matin. A midi, nous prenons le tramway : nous passons à Audincourt, puis Herimoncourt où je descends. J’arrive ensuite à Meslières où je trouve mon fourbi et les camarades rentrent le soir du travail. C’était alors le 17 au soir.

 

17 janvier 1916

J’apporte ma permission au bureau.

 

18 janvier 1916

Réveil 6h, départ 6h30. On va creuser des tranchées sur le plateau de la montagne près de la Suisse. Il y a encore de la neige, elle fond car le temps est très beau et la boue ne manque pas. Le soir de bonne heure, on nettoie les outils et on les rend, puis on descend au patelin.

19 janvier 1916

Réveil 7h, nous avons l’ordre de nous préparer pour partir à midi. Nous nettoyons le cantonnement, nous touchons des vivres et à 10h on mange la soupe. A midi, nous quittons Meslières, nous passons à Hérimoncourt puis nous montons sur le coteau. Nous passons à Bellevue puis nous faisons la pause. Nous arrivons ensuite à Beaucourt : nous voyons beaucoup d’usines, des fonderies et aussi beaucoup d’ouvriers travaillant qui nous regardaient passer. La fanfare joue en traversant ce patelin important puis nous descendons une longue route et nous tombons dans un village appelé Badevel. Nous cantonnons dans une grande ferme où nous avons beaucoup de foin pour coucher. Nous y arrivons vers 3h30, étape de 20 km.

 

20 janvier 1916

Réveil 7h et nettoyage des armes et effets, le temps est pluvieux. L’après-midi, revue d’armes à 2h et à 4h revue de cheveux et d’outils.

 

21 janvier 1916

Réveil 7h, rassemblement 8h. Tenue d’exercice, sac complet : on va faire des exercices sur le haut de Badevel dans les champs. On pose le sac et on commence l’exercice : 1ère pause, école de section et campagne puis après combat de la première section. On rentre à 10h, à 10h50, on mange la soupe après rapport. Le soir, départ à 1h, même tenue, petite marche. On passe aux usines puis après exercice en route, jeux, etc…

 

22 janvier 1916

Exercices à 8h sur le haut de Badevel : pour ne pas changer, nous faisons le même exercice que la veille jusqu’à 10h. L’après-midi, exercice, combat de section, tirailleur, etc …  On ramasse du bois pour faire bouillir des vieux effets qu’on nous distribuent et qui sont pleins de poux. On a ensuite la visite du commandant.

Dimanche  23 janvier 1916

Réveil à volonté, 7h nettoyage et revue à 10h. Tenue de départ complète  après rapport et ensuite les lettres, la soupe. Le temps est très beau, le soir, repos complet.

 

24 janvier 1916

Réveil 5h, rassemblement 6h. A 6h30, départ de tout le bataillon, musique en tête. A la sortie du village de Badevel, on nous place dans un pré et le commandant remet deux croix de guerre puis on repart : on passe dans le Haut-Rhin. On arrive ensuite à Fêche-l’Eglise  puis on passe à Morvillars puis Petit-Croix où nous faisons la grande halte. Vers 11h, dans un pré, nous mangeons la soupe et nous repartons presque aussitôt. Nous passons la ligne de chemin de fer et nous arrivons ensuite dans un village assez important appelé Fontaine  où nous cantonnons près du champ d’aviation où nous voyons partir et atterrir les avions.

 

25 janvier 1916

Jeux aux abords du cantonnement. Le soir, exercice sac complet, combat et école de Section, le temps est très beau. Le soir, le canon se fait entendre.

 

26 janvier 1916

Réveil 7h, nettoyage des armes, revue à 10h après rapport. Théorie par le commandant de compagnie et le soir repos obligatoire pour tous.

 

27 janvier 1916

Réveil minuit, départ 1h. Nous quittons Fontaine, nous prenons la grande route de Dannemarie puis nous passons la frontière “ adieu la  France !”. Nous arrivons ensuite à Traubach, village assez important de l’Alsace et nous voilà en terre conquise. Par là, nous tournons à gauche et après plusieurs heures de marche, nous arrivons dans un petit village appelé Guevenatten où nous cantonnons vers 3h du matin, étape de 15 km. On se couche aussitôt dans une grange sous les tuiles, presque sans paille, ni foin. Les deux autres compagnies vont cantonner plus loin dans un autre village appelé Hecken. On se lève pour la soupe, on a nettoyage et repos complet. Dans ce pays, on ne comprend plus le langage des habitants !

 

28 janvier 1916

Réveil 7h, à 8h on va faire un peu d’exercice sur la route dans un grand bois. Exercices sur le tir, école de section, etc… On rentre à 10h après la soupe, le rapport. A 1h, on prend des outils : on va creuser derrière le patelin des abris contre les bombardements. Nous travaillons jusqu’à 4h, le temps est beau. Nous avons la visite d’un Taube, nos canons lui barrent la route.

 

29 janvier 1916

Réveil 6h, départ 7h, tenue complète sans sac. On prend un chemin de traverse, on arrive dans un village appelé Hecken où sont les 2 autres compagnies du bataillon. Nous allons à l’autre patelin appelé Gildwiller où là nous prenons des outils, pelles et pioches.  De là, nous montons en deuxième ligne. Nous passons à Fech lEglise petit hameau à moitié démoli et nous rentrons dans un grand bois puis dans les boyaux. Nous voilà rendu au travail à exécuter : nous commençons la un grand boyau de communication allant vers la première ligne face à Ammerzwiller, 2 m de profondeur et 1 m 75 de large. Dans l’après-midi, les boches nous envoient quelques rafales d’obus de gros calibre et de mitrailleuse ! Nous nous terrons dans un trou déjà fait, puis ça cesse. Total pas de mal, nous recommençons le travail; à 3h45 on quitte le travail. On laisse les outils à Hecken et nous rentrons au cantonnement. Le soir, très fatigués car nous avons 8 km à faire le matin et de même le soir.  Souvent dans la nuit, les rats nous empêchent de dormir : ils nous mangent le pain et cavalent sur nous, sur la figure, à grande vitesse. On s’engueule de même avec les paysans de l’habitation qui sont boches et se disent français par force, etc…

 

Dimanche 30 Janvier 1916

7h à 9h, revue de cantonnement et d’effets. A midi, départ sans sac, nous descendons à Traubach : nous avons une grande cérémonie de remise du drapeau au 107e bataillon de chasseurs. Tout le bataillon se place dans un grand pré et la musique qui joue un instant. Après le colonel nous passe en revue et puis on nous fait passer l’un après l’autre devant le drapeau. On remarque qu’il est très antique : on y voit la Légion d’honneur, la médaille militaire, la croix de guerre et toutes ses batailles inscrites en lettres d’or. Il n’y a qu’un drapeau pour tous les bataillons de chasseurs. Le commandant nous rappelle en quelques mots où est passé ce drapeau sacré, où ont combattu nos aînés et nous exhorte à le suivre et à le défendre jusqu’au bout. Après cette allocution, on défile en musique et on lui présente les armes. La séance est terminée, on rentre dans nos cantonnement respectifs vers 3h30 après repos. Un grand nombre de civils y assistait.

 

31 janvier 1916

Réveil 5h30, départ  6h20. Nous revenons travailler aux boyaux. Dans la journée, rafales de mitrailleuse. Pour passer dans ces boyaux, nous avons de la boue jusqu’aux chevilles car c’est mal arrangé. Le soir vers 5h30, nous arrivons au cantonnement.

 

1er février 1916

Même heure de départ, nous travaillons toujours aux boyaux. Dans la journée, grand duel d’artillerie.

 

2 février 1916

Nous retournons aux mêmes endroits, même travail qu’à l’habitude. Dans la journée, le temps est beau. Les Taubes viennent survoler nos positions, ils sont violemment canonnés et mis en fuite par nos avions.

 

3 février 1916

Même heure de départ, nous retournons au même endroit. Nous commençons à planter des piquets et à clayonner le boyau .

 

4 février 1916

Nous partons toujours à la même heure, nous clayonnons et nous plaçons du parquet aussi. Dans la journée, rafale de mitrailleuses vers les 3h et tirs sur les avions.

 

5 février 1916

Je suis de garde pendant 24 heures aux abords du village, à garder les caissons de munitions. La compagnie retourne au même endroit.

 

Dimanche  6 février 1916

On est relevé de garde à 8h, à 9h30 revue d’armes, d’effets et de chaussures. Après, rapport puis l’après-midi, repos. Concert à 3h par la fanfare du 107e bataillon.

 

7 février 1916

Réveil 6h, nous partons à 6h30. Nous passons à Sternenberg, puis nous arrivons ensuite à Hecken où nous prenons les outils puis nous montons à Fech l’Eglise. Nous prenons le boyau et nous arrivons ensuite au travail après avoir fait 1500 m. Dans la journée, quelques rafales d’obus et de mitrailleuses, vers les 3h.

 

8 février 1916

Nous retournons au même travail et même endroit. Dans la journée, tirs sur les avions boches.

 

9 février 1916

 Réveil 7h, nous restons au cantonnement. La matinée est consacrée au nettoyage.  L’après-midi à 1h, un peu d’exercice, remise en mains de la compagnie. Le soir, on reçoit l’ordre de monter nos sacs car on s’attendait à une alerte si les premières lignes étaient attaquées. Nous couchons tout à fait habillé et rien ne se passe dans la nuit.

 

10 février 1916

Réveil 6h, à 7h nous partons travailler mais nous n’allons pas au même endroit. Nous allons sur la gauche vers le secteur où nous devons aller plus tard occuper. Nous travaillons à des abris déjà commencés. Nous recevons des obus de gros calibre. Le soir, il tombe de la neige.

 

11 février 1916

Réveil 7h30, nous nettoyons nos effets et à 10h, nous avons revue de masque contre les gaz asphyxiants. L’après-midi, revue en tenue de campagne. Le soir à 6h? nous quittons le village de Guevenatten. Après plus d’une heure de marche, nous arrivons dans une grande forêt où nous trouvons les baraquements de la 2ème ligne. Nous, nous restons là et les autres compagnies vont en première ligne relever le 82e alpin avec qui nous faisons brigade. Vers 9h du soir, on entendait fortement la mitrailleuse et même l’artillerie tirées par rafales. La nuit se passe ainsi à peu près tranquille mais sans bien dormir.

 

12 février  1916

Vers 7h30, nous allons travailler à l’abri du commandant, à 10h30 la soupe. L’après-midi, repos et violent bombardement par les boches sur les premières lignes. A 4h, nous avons une alerte : on croit à une attaque, nous allons occuper les petits poste en deuxième ligne  afin de soutenir la première ligne. Toujours de fortes rafales d’obus et de mitrailleuses. On attend là jusqu’à 9h, après revient le calme et nous allons travailler dans les tranchées de première ligne qui sont en partie éboulées par le bombardement. On compte alors quatre blessés et un tué. Toute la nuit, nous travaillons à enlever la terre. A 5h, nous quittons le travail et nous rentrons à la cabane après de vains efforts, car les balles nous ont sifflé tout le temps aux oreilles. Dans la nuit, notre artillerie envoie de fortes rafales sur les tranchées boches.

 

13 février 1916

Nous avons repos toute la journée. Vers les 2h, les boches nous bombardent violemment vers notre cagna. Nous avons une alerte et nous sommes obligés de déguerpir. Nous nous mettons en tirailleur derrière les gros arbres, après ça cesse et nous rentrons à la cagna.  Après ça, nous rentrons et nous avons le rapport, les félicitations du commandant pour la brillante conduite pendant un très fort bombardement. Le soir, nous prenons la garde dans un petit poste soutien des mitrailleurs en cas d’attaque. Les autres vont travailler toute la nuit aux tranchées.

 

14 février 1916

A 7h, on quitte le poste et l’on rentre à la cagna. Dans la matinée, repos; l’après-midi, nous allons faire des fagots de fascines pour clayonner. A 4h, la soupe et le soir à 6h, nous allons travailler en première ligne. Nous apportons du matériel, des piquets, des fils de fer. Nous avons 3 km de boyaux à faire pour arriver au travail. Arrivés à moitié, nous recevons une bonne rafale de 77 : enfin, pas de mal pour cette fois. Arrivée au travail, une première équipe plante les piquets, une deuxième place les fils de fer et les balles sifflent. Notre tranchée a supporté un très fort violent bombardement : des centaines d’obus ont bouleversé notre parapet et déchiré le réseau de fils de fer qui nous protégeait. La nuit est à peine tombée qu’il nous faut réparer les dégâts. On envoie d’abord une patrouille 40 m en avant pour prendre position, c’est elle qui nous préservera contre toute surprise. Un à un ensuite, on sort pour travailler. On ne s’imagine pas peut-être ce que représente la sortie d’une tranchée, car tant qu’on est dans le boyau profond on se sent à l’abri, on a une  impression de sécurité. Si l’ennemi vient, on est capable de se défendre avec succès, tandis que hors du trou dans la plaine à 80 mètres de l’adversaire qu’on sait à l’affût, ce n’est pas sans émotion qu’on se montre la poitrine nue. Les brumes de la nuit forment une défense légère : si le moindre bruit se produit dans cette zone intermédiaire, une rafale d’obus a vite fait pour s’abattre et les mitrailleuses sont promptes à balayer le terrain. On n’a aucune hésitation à escalader les terres remuées : “Allons-y ! ” dit-on et c’est bien les seuls mots qu’on prononce jusqu’à la fin du travail. On n’allume aucune cigarette car la pointe du feu troue la nuit, on éprouve comme une volupté de se trouver ainsi dehors. La tranchée est une prison qui convient mal aux Français, ils respirent l’air largement, leurs visages sont deshabitués à sentir le vent. Dans les boyaux, l’atmosphère est morte, aucun air ne vibre. Les nouveaux arrivés s’arrêtent dans leur besogne pour regarder la ligne claire qui marque la tranchée ennemie. Ils pensent “c’est là qu’ils sont ?” très doucement. Les piquets sont enfoncés : quelques fois on a des barres de fer perfectionnées qui se vissent dans le sol, le plus souvent ce sont de grossiers bâtons taillés dans la serpe qu’on enfonce à coup de masse. Celle-ci a été recouverte d’un linge pour que le choc  soit plus sourd : mais tout de même, chaque fois qu’elle s’abat, c’est un peu sur le corps qu’on la reçoit, s’ils allaient entendre là-bas ! Le rouleau se déroule ensuite, les fils de fer épais aux pointes rude se croisent, s’emmêlent, se tordent : plus d’un travailleur s’y arrache les mains. Fréquemment, une fusée allemande jaillit dans le ciel : une lueur blafarde se répand sur la plaine, malheur à qui ne s’est pas aplati parmi les cailloux, les outils. L’ennemi près tire au hasard sur ce qu’il croit voir. La fusée éteinte, chacun reprend sa tâche; quelquefois il y a un blessé ou un mort à ramener dans les abris. C’est ainsi que s’accomplit une besogne des plus fréquentes, une des plus obscures et banales dans la vie des tranchées. A 5h, nous rentrons du travail à la cagna. On se couche aussitôt,  on se lève à la soupe. Nous nous reposons toute la journée. A 6h, nous partons travailler en première ligne, il pleut assez fort. Nous emportons des piquets et arrivés au milieu du boyau, nous recevons une bonne rafale d’obus et de mitrailleuses 15. On se couche et on attend que ça cesse. Après, nous arrivons au travail : nous faisons du clayonnage, on est dans la boue et la pluie tombe à verse. Nous partons à 4h et nous sommes encore bombardés dans le boyau 16. Nous allons dans l’après-midi porter des plaques de tôle en première ligne pour faire des abris pour les officiers dans un endroit appelé le Gabion. Nous faisons au moins 2 km dans la boue et dans l’eau. Le soir, nous n’allons pas travailler et cela fait qu’on passe la première nuit tranquille : c’est la première depuis 6 jours.

 

17 février 1916

Nous faisons des piquets et des fascines, l’après-midi, repos. Nous allons occuper un petit poste, toute l’escouade en soutien des mitrailleurs. Les autres vont travailler en première ligne, même travail.

 

18 février 1916

Nous revenons du poste à 7h, nous avons repos toute la matinée. Les endroits où nous allons travailler s’appellent le Ponceau, la Cuvette et la Pointe : voilà pour la première ligne. En deuxième ligne, nous avons le Cantonnement, Baraquement, la Hétraie.

 

18 février 1916

Réveil à 7h, nous avons repos toute la matinée. Dans la journée, quelques rafales par les boches : notre  artillerie répond de même. On compte alors six morts et plus de 30 blessés et malades. A 6h du soir, nous partons travailler à la Pointe placer des fils de fer : nous passons dans les boyaux où nous avons de l’eau jusqu’aux genoux. Nous rentrons à minuit tout mouillé car la pluie tombe à torrent.

 

19 février 1916

Repos toute la journée. A 6h, nous allons en première ligne avec les autres compagnies. La nuit se passe assez bien tranquille, tout le temps les balles sifflent aux oreilles. Dans la journée, on reçoit quelques obus près de nos cagnas.

 

20 février 1916

Toute la journée, la neige tombe, de même toute la nuit. On monte 6 heures de garde toute la nuit, toutes les deux heures on est de garde au poste d’écoute dans des trous d’obus près des fils de fer. Toute la nuit, on lance des fusées et autant les boches. Avec cette période si rude, nous avons quelques copains qui ont mis les pieds (abîmés). I y a environ 60 cm de neige.

 

21 au 26 février 1916

Tout se passe bien. Dans la nuit, une patrouille s’avance vers nos réseaux de fil de fer : on tire dessus pendant un instant. Dans la journée, rien que de normal.

 

27 février 1916

Dans la nuit, violent bombardement par nous, sur les routes et sur les ravitaillements. Dans la nuit, les bochent travaillent et on les entend bien parler.

 

28 février 1916

La neige fond, le soleil reluit puis l’eau rentre dans la cagna. On gèle de froid, on ne peut pas faire de feu car on craint de se faire repérer par les boches, qu’ils voient la fumée et qu’ils nous marmitent. Mais les boches ne regardent pas ça : ils en font tous les jours, ils ne se gèlent pas comme nous.

 

29 février 1916

On est relevé le soir à 8h par le 32e alpins. On leur fait de la place avec plaisir car on a besoin de repos : on est tous esquintés car voilà 16 nuits que l’on ne dort pas et qu’on mange mal. Nous descendons à Hecken et puis nous arrivons à Falviller où nous cantonnons. Nous nous couchons aussitôt car on n’en pouvait plus.

 

1er mars 1916

On nous réveille à 10h, on prend la garde aux abords du village.

 

2 mars 1916

Le 2 également. Le temps est clair, il vient des taubes et quelques heures plus tard, nous recevons quelques marmites près de nous.

 

3 mars 1916

A 6h, nous sommes relevés de garde. A 10h, on s’en va au travail. Nous passons à Ueberkumen puis nous arrivons à Balschwiller et nous travaillons aux alentours du patelin qui est à moitié détruit. Une équipe place des fils de fer, l’autre fait des tranchées, l’autre fait des torpilles, les autres plantent les piquets. A 4h, nous quittons le travail et nous rentrons au cantonnement à Falviller.

 

4 au 7 mars 1916

Nous allons toujours travailler au même endroit. Réveil 4h, à 5h départ, la neige tombe  toute la journée. Nous rentrons un peu plus de bonne heure. Nous changeons de cantonnement : nous allons à un village à côté de Hecken à la place de la 4e compagnie et celle-ci vient prendre notre place.

 

9 mars 1916

Réveil 6h, nous partons au travail à 7h. Nous passons à Falviller et nous montons dans les bois : une équipe fait des piquets, l’autre les transporte. A 4h, nous quittons le travail et nous rentrons au cantonnement.

 

10 mars 1916

Même heure de départ et même travail.

 

11 mars 1916

Repos toute la journée, il pleut fort. A 6h, nous partons travailler à pied en deuxième ligne.  Une équipe va placer des fils de fer barbelé et l’autre fait des tranchées. A minuit, on rentre.

 

12 mars 1916

Repos, travail de propreté : on prend une douche. A11h, rapport : on apprend le départ dans la nuit. On prépare le sac et on se couche tout habillé.

 

13 mars 1916

Réveil 2h30, nous partons à 3h40. Nous passons à Ueberkumen puis nous arrivons à Buethwiller où nous cantonnons tout le bataillon. Dans l’après-midi, nous avons revue d’armes. La journée est calme.

 

14 mars 1916

On  reste toute la journée au cantonnement. On apprend le départ aux tranchées le soir. A 6h30, nous partons : nous passons le canal du Rhône au Rhin puis nous trouvons un village appelé Hagenbach. Un peu plus loin, nous trouvons une briqueterie et nous rentrons dans une forêt appelée la forêt de Carspach. Un peu plus loin, nous trouvons la maison forestière à moitié démolie puis nous tournons à gauche et nous arrivons à un croisement appelé “le rendez-vous de chasse”. Là se trouvent beaucoup d’abris. Les cuisines roulantes, les réserves de ?, dépôts de matériel pour les tranchées et les abris restent là. C’est là qu’on prend les boyaux pour aller en première ligne ! Nous descendons vers la droite vers une maison brûlée : nous arrivons et nous prenons nos avants postes. C’est ainsi que chaque compagnie va à son poste. Nous nous installons dans les cagnas puis chacun prend sa faction à l’heure indiquée. La nuit se passe avec calme. Nos postes d’écoute sont derrière de gros arbres à la lisière du bois face au village de Carspach et Altkirch dont nous apercevons les grandes cheminées des usines. Nous venons de relever un bataillon du 401è d’infanterie de la même division que nous 175e. 3 compagnies du bataillon rentre en ligne et l’autre reste en réserve. Le secteur est calme, nous avons de bon abri mais nous nous couchons sans paille. Nous pouvons faire du feu nuit et jour. Nous prenons 6 heures de garde dans la nuit et 2h le jour. Nous nous ravitaillons le jour.

 

15 mars 1916

Très belle journée, les avions vont faire leur reconnaissance de part et d’autre. Ils sont bien canonnés.

 

16 mars 1916

Dans la journée, quelques coups de fusil par-ci par-là, plutôt sur les oiseaux que sur les boches. Dans la nuit, quelques coups de canon, les fusées lancées en nombre nous éclairent l’espace.

 

17  mars 1916

Journée calme, on se met tous à nettoyer la cagna, arranger pour être mieux pour coucher. On ramasse des branches de sapin et l’on couche dessus, on nettoie bien les boyaux, etc…

 

18, 20, 22 Mars 1916

Il fait de belles journées toutes calmes. Dans l’après-midi, nous travaillons à rouler des fils de fer barbelés et à la nuit une équipe part les placer. Nous faisons un réseau devant nos tranchées.

 

24 au 26 mars 1916

Dans la nuit, il  passe deux aéroplanes vers les 3h du matin allant sur Mulhouse.

 

28 mars 1916

Très violent bombardement des tranchée boches par nos crapouillots : on leur envoie 150 torpilles. En réponse, les boches nous envoient de grosses marmites sur nos cagnas.

 

29 mars 1916

Rien que de normal, nous comptons alors 2 tués et quelques blessés.

 

30 mars 1916

Nous nettoyons bien les tranchées, nous faisons des piquets et du clayonnage, nous les balayons même. Dans la nuit, les boches lancent beaucoup de fusées. Nous entendons l’horloge du patelin qui n’est pas loin de nous.

 

31 mars 1916

Dans la matinée, nous voyons passer le général et les autres officiers qui visitent les tranchées. Dans l’après-midi, nous apprenons que nous sommes relevés. Le soir, en effet, vers 10h, les territoriaux viennent prendre notre place. On a été tous très heureux de la leur céder, car après 17 jours et nuits passés sans repos ni dormir, on se sent heureux d’aller un peu à l’arrière se reposer et trouver de quoi se “soigner”.  Nous descendons à Hagenbach où nous cantonnons à l’entrée du village. Vers les minuit, nous nous couchons très fatigués sur la paille et nous nous installons.

 

1er avril 1916.

Chacun se lève quand il veut et on commence par bien se nettoyer puis l’après-midi revue de détail : la journée se passe bien.

 

2 avril 1916

On prend la garde en position du village. Dans l’après-midi, un taube vient rôder aux alentours : il est violemment canonné et fait demi-tour.

 

3 avril 1916

Toujours le même travail, on nettoie bien les fossés et les caniveaux du village, on balaie bien les rues, etc…

 

4 avril 1916

Même travail. A 4h, on passe en revue de garde pour le lendemain.  

 

5 avril 1916

De garde, nous avons la visite du Général Blazer. Le soir, de 8h à 11h, nous avons une représentation de cinéma donnée pour la troupe.

 

6 et 7 avril 1916

Toujours le même travail, nettoyage.

 

8 avril 1916

De garde. Le soir, vers les 8h, nous sommes remplacés par les autres compagnie. Le soir, les boches tirent sur les abords du village.

 

9 avril 1916

Il y a 50 chasseurs par compagnie qui sont désignés pour aller rendre les honneurs à Dannemarie à monsieur le Président de la République, M. Poincaré, accompagné du prince de Serbie. Au son de la fanfare, ils les passent en revue. Le reste va travailler en 1ère ligne.

 

10 avril 1916

Réveil 5h, à 5h40 nous partons travailler en première ligne. Nous passons à côté des pièces de marine de 220 mm, ensuite à la maison forestière puis le rendez-vous de chasse.  Là, chacun prend son boyau pour se rendre à son chantier : on fait des sapes tout près des boches, d’autres arrangent les tranchées. Nous travaillons ainsi jusqu’à 4h30 puis nous rentrons au cantonnement après plus d’une heure de marche. Tous les jours même travail  

 

11, 12 et 13.

Nous trouvons un prisonnier boche que le 32e alpin avait fait à la pointe du jour. Nous descendons à 1h, en rentrant nous faisons l’exercice :  remise en main de la compagnie, combat par section, etc…

 

14 avril 1916

Nous remontons au travail, nous travaillons jusqu’à 10h, puis nous rentrons au cantonnement avec la pluie. D’autres vont faire des exercices de grenades. L’après-midi, on a nettoyage, revue d’armes et vivres, etc…

 

15 avril 1916

A 6h, nous montons travailler toujours au même endroit ou sapes. A 10h30, nous mangeons la soupe et à 12h30 au travail. Le soir, nous quittons le travail à 4h.

 

16 avril 1916

Nous avons toute la journée pour nous préparer afin d’aller relever le soir en première ligne le 32e alpin. A 7h, nous avons rassemblement. Nous partons ensuite vers la maison forestière et nous faisons la pause. Puis arrivée au rendez-vous de chasse, chaque compagnie va à son poste. Nous nous couchons en deuxième ligne dans un grand abri.  Le lendemain, nous allons travailler à réparer les tranchées et faire des abris, transporter du matériel.

 

18 avril 1916

Nous travaillons toute la journée à creuser un poste de secours avec la pluie toute la journée. Nous prenons une bonne rincée.

 

19 avril 1916

Nous transportons des planches et des piquets puis des grillages toute la matinée.  L’après-midi, nous avons repos; à la nuit nous allons placer du fil de fer barbelé en première ligne. Cela fait, nous rentrons à 10h30 nous coucher.

 

20 avril 1916

Repos la matinée. L’après-midi, nous travaillons à arranger un boyau vers le poste du commandant.

 

21 avril 1916

A 6h, nous reprenons le même travail de clayonnage avec du grillage, etc… Vers les 10h, nous rentrons. L’après-midi, nous avons repos et le soir à 8h, nous sommes relevés en première ligne. La pluie tombe alors plus fort que jamais. Après avoir suivi les boyaux pendant un bon moment, nous arrivons enfin à un autre poste. Nous occupons un sale poste d’écoute auprès des boches. Nous avons une sale cagna comme chambre de repos. Pendant la nuit, les boches nous envoient beaucoup de bombes, grenades et coups de fusil. La pluie cesse un peu de tomber vers le matin.

 

22 avril 1916

Nous travaillons l’après-midi, nous arrangerons la tranchée, la journée est calme.

 

23 avril 1916

Le matin, les boches nous envoient quelques 77. Nos crapouillots se mettent à tirer aussi sur les tranchées boches, ce qui leur fait sauter leur première ligne. Ils en ont tiré 12 dont 6 qui n’ont pas éclaté. Voilà que boches ripostent et nous envoient plus de 300 marmites de gros calibre : total, 1 tué plus un cheval. Dans nos cagnas, pas de mal. Après ça, nous travaillons ensuite à enlever la terre dégringolée par les obus qui ont bien bouleversé et les arbres coupés. Voilà comment nous passons notre fête de Pâques. Pendant la nuit, les boches n’ont cessé de lancer des fusées, bombes et grenades. Nos mitrailleuses ont tiré souvent pendant la nuit.

 

24 avril 1916

Nous travaillons de même à arranger les tranchées. A la nuit, nous plaçons des créneaux.

 

25 avril 1916

Nous assurons le service puis l’après-midi, nous travaillons aux tranchées de tir.

 

26 avril 1916

Nous continuons à travailler.

 

27 avril 1916

Nous avons la visite du colonel accompagné de notre commandant qui visitent notre cagna,  de même les tranchées. Nous avons les félicitations. Nous avons repos toute la journée et le soir à 7h nous partons travailler. Nous transportons des rails de chemin de fer pour faire des abris. Toute la nuit, nous avons beaucoup de peine car il faut trimballer ces gros rails dans les boyaux et nous allons les chercher loin. On passe une nuit très pénible car on passe dans l’eau et dans la boue. A la pointe du jour, nous allons nous coucher.

 

28 avril 1916

 Nous nous reposons toute la matinée. L’après-midi, il y a crapouillotage : nous recevons l’ordre de rester dans la cagna.En effet, vers les 3h, nous voyons monter dans les airs des torpilles puis tomber sur les boches; ce qui produit une forte détonation, ça fait trembler la terre. L’artillerie tire en même temps puis après ça, les boches répondent à leur tour par de bonnes rafales qui vont à l’arrière de nous : nous n’avons aucun mal pour cette fois. Vers les 5h, le bombardement se termine de part et d’autre. Nous recevons l’ordre de monter nos sacs puis nous allons relever un poste avancé à 80 mètres des boches et même à 50 sur certains points. Ce poste s’appelle “Trou de la mort P 15”. Nous laissons nos sacs un peu à l’arrière, puis des vivres pour la journée car nous ne pouvons communiquer avec l’arrière le jour. Nous marchons ainsi dans l’obscurité en terrain découvert où nous trouvons des gros trous d’obus, des bouts de fils de fer qui gênent notre marche. Nous partons par groupe de trois afin (d’éviter) de faire le moins de bruit possible. En arrivant, nous relevons et ensuite chacun veille à son poste avec la plus grande attention. Nous avons une heure de repos puis deux heures de faction à tirer, c’est ainsi que se passe la nuit. Quelques coups de grenade, puis chaque fusée lancée par les boches, nous y tirons dessus afin de ne pas faire repérer les postes d’écoute. La journée est calme. On regarde par des créneaux les ouvrages des boches qui sont très fortifiés, un bon réseau de fils de fer barbelés avec des piquets de fer. Nous ne pouvons pas trop nous montrer car on est pris et vus de tous les côtés. On est pour ainsi dire sacrifiés et cernés. Autrement dit, si on est attaqué, on est obligé de se rendre ou de se faire massacrer. Le jour, il ne faut pas se faire voir car les balles sifflent : on risque tout le temps de se faire décoller, ni faire du bruit.

 

29 avril 1916

Très belle journée toute calme. Le soir, on est relevé par deux autres escouades et nous allons retrouver nos sacs.

 

30 avril  et 1er mai 1916

Nous avons repos toute la matinée. Nous apprenons même qu’il y a eu un tué, une balle en pleine tête. L’après-midi, nous remplissons des sacs de terre en faisant une cagna.

 

2 mai 1916

Nous faisons le même travail. Dans la nuit, il y a un blessé par un éclat de grenade.

 

3 mai 1916

Au soir, nous sommes relevés par le 32eme. Vers les 9h, nous descendons à Hagenbach et aussitôt rentrés, nous nous couchons.

 

4 mai 1916

Nous avons repos, nettoyage, revue sur revue, changement d’effets : la journée se passe ainsi.

 

5 mai 1916

Réveil 5h, départ à 6h. Nous allons travailler aux sapes en première ligne. Nous sommes reçus par une rafale d’obus à notre arrivée. Nous quittons le travail à 9h et nous descendons à Hagenbach. L’après-midi : exercices, revue, théorie.

 

6 mai 1916

Nous revenons au même endroit travailler.

 

7 mai 1916

La matinée, revue et le soir, nous allons couper les fascines dans le bois pour faire un clayonnage le long de la route.

 

8 mai 1916

Nous commençons le travail à 6h : nous faisons le clayonnage, la pluie tombe de temps en temps.

 

9 mai 1916

Même  travail toute la matinée puis l’après-midi, revue du cantonnement et des armes, théorie.

 

10 mai 1916

Nous changeons de chantier : nous allons dans la forêt de Carspach près des pièces de 120 et du canal. Nous faisons là une petite tranchée.

 

11 mai 1916

Même travail.

 

12 mai 1916

Nous faisons du clayonnage et à 10h, nous cessons le travail et nous allons manger la soupe à Hagenbach. L’après-midi, nettoyage et exercices.

 

13 mai 1916

Nous partons à 6h et nous revenons au même chantier, le temps est très beau !

 

14 mai 1916

Le matin, nettoyage, revue en tenue de campagne. A midi, nous partons travailler jusqu’au soir.

 

15 mai 1916

Nous partons à 6h au travail : nous plaçons toute la journée des fils de fer barbelés.

 

16 mai 1916

Nous allons au même chantier et à 10h, nous rentrons. Puis l’après-midi, exercices, revue de cantonnement, etc…

 

17 mai 1916

Réveil 5h, départ 6h. Nous travaillons à une petite tranchée. La journée se passe ainsi, nous quittons le travail à 4h, puis nous rentrons au cantonnement.

 

18 mai 1916

Le matin, nous allons au travail puis on rentre à la soupe. L’après-midi, revue, montage des sacs. On part à 6h relever le 32eme : nous occupons à peu près les mêmes postes, la relève se fait sans incident. La nuit, tout est calme.

 

19 mai 1916

On travaille dans la journée, le temps est très beau Les aéroplanes vont faire leur reconnaissance et ils sont très violemment bombardés par l’artillerie.

 

20 mai 1916

Rien que de normal, quelques rafales de mitrailleuses, etc…

 

21 mai 1916

Nous travaillons toute la journée à faire un abri. A minuit, nous relevons la première ligne.

 

22 mai 1916

Journée assez calme, le soir il fait un violent orage. Nous nous trouvons au poste d’écoute, il fait une nuit très noire,  les boches lancent beaucoup de fusées.

 

23 mai 1916

Nous travaillons toute la journée, nous transportons des gros rondins sur l’abri. Dans la journée, les boches bombardent fort sur notre gauche.

 

25 mai 1916

Journée  calme, nous travaillons toujours à l’abri. Le soir, on va relever la première ligne. La nuit est calme.

 

26 mai 1916

Vers minuit, les boches nous bombardent et nous avons notre chef de section blessé. Le soir, ça se calme, quelques coups de bombes et grenades.

 

27  mai 1916

Journée assez calme.

 

28 mai 1916

L’après-midi, les boches bombardent à notre gauche avec des torpilles. L’artillerie française  répond encore plus fort, jusqu’au soir ça continue. Vers le soir, les boches sortent pour attaquer sur le bord du canal du Rhône au Rhin, mais ils sont vite repoussés par la fusillade et le tir de barrage. Vers 8h, à la sape tout près de nous, les travailleurs sortent comme d’habitude mais les boches aussitôt lancent beaucoup de grenades. Ils sont obligés de quitter de placer le fil de fer et de rentrer en vitesse dans la tranchée. Alors c’est une lutte à coup de grenades de tout côté, tout est en feu : les fusées n’arrêtent pas, elles sont rentrées en très grand nombre, puis ça se calme et le reste de la nuit est tranquille.

 

29 mai 1916

Le soir, notre compagnie est relevée : nous allons en réserve. Nous roupillons bien toute la nuit et le lendemain, on est désigné de corvée aux cuisines : tous les jours, même travail.

 

30, 31 mai et 1er, 2 et 3 juin.

Nous faisons notre sac, nous emballons notre fourbi : les couvertures sont roulées, mises en fourgon et le soir, on est relevé vers les 11h par le 43e chasseurs alpin. La pluie est tombée toute la journée et ça n’arrête pas. Nous sortons de la cagna et enfin de cette forêt par une nuit très noire; nous ne voyons pas celui qu’on a devant soi et nous trouvons la route. Nous passons entre les voitures de ravitaillement puis nous arrivons à Hagenbach où on met la moitié des sacs au camion automobile. De là, nous passons à Gildwiller, puis Traubach le Haut et Traubach le Bas. Il commence alors à faire jour; par là, nous faisons la pause.

 

4 juin 1916

Puis nous passons à Rougemont; nous arrivons ensuite à Soppe le Haut où reste le bataillon, village assez important. Avec la 3e compagnie, nous montons au patelin appelé (Ammerzwiller), petit village.

 

5 juin 1916

Revue et repos.

 

6 juin 1916

Théorie et exercices

 

7 juin 1916

Nous partons à 5h45 travailler vers la première ligne. Nous passons à Soppe le Haut, puis après 4 km 500, nous trouvons la gare de Guevirnin puis le village qui est assez grand mais bien bombardé où il reste encore quelques habitants. Nous poussons 2 km plus loin et nous arrivons au moulin qui est presque écroulé par le bombardement. Nous travaillons dans le bois à côté; nous faisons un boyau sur terre avec des planches de chaque côté, de la terre sur les deux côtés, le terrain est plein d’eau et de cailloux. Nous quittons le travail à 13h30.

 

9 juin 1916

Nettoyage du cantonnement le matin et le soir, exercices.

 

10 juin 1916

Exercices et douche.

 

11 juin 1916

 De garde au milieu du patelin, le temps est pluvieux.

 

12 juin 1916

Réveil 5h, départ 5h45. Nous allons travailler en première ligne au boyau commencé dans le bois. Après 2h de marche, nous sommes arrivés au cantonnement.

 

13 juin 1916

Revue d’effets et théorie le matin ; le soir, revue d’armes et de cantonnement.

 

14 juin 1916

Exercices à 6h30 sur la route de Senthen. Le soir, exercices de grenades réelles avec tirs de barrage. La fanfare à prêté son concours.

 

15 juin 1916

Exercices à 7h. Le soir, revue de fusils et de cantonnement et puis vers les 4h, concert !

 

16 juin 1916

Le matin, exercices jusqu’à 10h; le soir, nous travaillons et nous faisons des tranchées pour faire un exercice et concours de grenade.

 

17 juin 1916

Même travail toute la journée. Les avions passent en nombre et ils sont très bien canonnés. De même que la veille, violent bombardement.

 

18 juin 1916

Nous avons douche dans la matinée, puis le soir, repos.

 

19 juin 1916

Nous allons travailler à 6 km dans un bois faire une route, nous rentrons vers les 4h20.  Nous allons faire des tranchées pour le concours de grenadier de la division.

 

21 juin 1916

Nous remontons travailler à la route, nous coupons du bois pour faire des fagots que nous utiliserons plus tard.

 

22 juin 1916

Même travail.

 

23 juin 1916

Idem.

 

24 juin 1916

Grand concours de grenadier, toute la division est représentée, le général et colons, etc…  Le 107 remporte les premiers prix. Toute la journée, ça n’a pas cessé de tirer : 4000 grenades. Les fanfares du 107 et 59e terr ont joué toute la journée.

 

25 juin 1916

Revue de cantonnement et repos toute la journée

 

26 juin 1916

Nous partons à 6h : nous allons combler les tranchées faites pour le concours de grenade, nous avons fini de bonne heure.

 

27 juin 1916

Réveil 6h, on a nettoyage, revue d’armes et de cantonnement. L’après-midi, montage des sacs, revue en tenue de campagne à 4h. A 6h30, départ pour la relève des tranchées. Nous quittons Amorvillers, nous descendons à Soppe le Haut  puis nous montons Guernaim. Nous traversons le village puis tournons à gauche et nous montons toujours. Nous trouvons beaucoup de ravitaillement; nous arrivons ensuite à Micheckelbach, village tout presque démoli. Il n’est plus occupée par les civils : nous trouvons beaucoup de fortifications, réseaux de fils de fer barbelés, blockhaus. Ensuite, nous trouvons la ligne de chemin de fer et le reste des réserves. Nous allons plus loin; nous prenons un boyau et nous occupons un poste appelé GG3. Nous restons là dans une grande cagna en réserve de la première ligne.  Deux sections et les deux autres vont occuper les premières lignes, la sape. Nous relevons là le 213 ème d’ infanterie, tout est très calme pendant la nuit. On se couche vers les minuit.

 

28 juin 1916

Nous travaillons au transport des piquets et fils de fer barbelés, nous faisons des torpilles.

 

29 juin 1916

A 6h, nous partons. Nous transportons des rails sur un abri avec le décoville et l’après-midi repos. Vers les 5h, au moment de manger le repas du soir, les boches nous envoient quelques petits obus crapouillots, des minenverfer et nous avons la un blessé à la nuit. Nous allons relever ceux qui sont aux sapes. La nuit est tranquille, nous entendons les boches  travailler tout en discutant et en rigolant. Les fusées et projecteurs ont bien éclairé le terrain pendant la nuit.

 

30 juin 1916

Le lendemain dans la matinée, envoi de crapouillots par les boches sur nos lignes. Le soir, violent bombardement par nous sur les tranchées, fortins et villages d’Aspach que nous avons en face. A 600 mètres de nous à notre gauche, la montagne de l’Harmanvillerkof, la plaine de tann et Mulhouse, Dornach, l’usine des gaz asphyxiants où nous voyons la fumée sortir de ses grandes cheminées. Au loin, nous apercevons la Forêt Noire. A la nuit, quelques coups de fusil et mitrailleuses sont tirés.

 

1er juillet 1916

Journée assez tranquille. Le soir, nous sommes relevés, nous allons en réserve.

 

2 juillet 1916

A 6h au travail, nous transportons des piquets et fils de fer barbelés à la sape et le soir, nous allons les placer. Nous rentrons vers 1h du matin.

 

3 juillet 1916

Le matin repos, l’après-midi nous transportons des rails sur un abri. Le soir vers les 8h, violent bombardement : ça dure 1h30, très violent de part et d’autre. Les boches attaquent à notre gauche des têtes de sape, le 32e alpins fait 2 sections prisonnières. Nous relevons la sape mais avec le bombardement la relève est impossible. Nous restons à notre emplacement de combat. Nous passons la nuit sans dormir, le calme revient ensuite .

 

4 juillet 1916

Repos complet, le soir on va à la relève. La nuit est très noire, il pleut fort.

 

5 juillet 1916

Journée pluvieuse et froide, nous n’avons guère d’abri pour nous mettre : on a de l’eau par-dessus les souliers. Le soir, nous sommes relevés par une autre compagnie. Nous partons vers les 10h après avoir placé des postes d’écoute. Il fait alors très noir, nous ne nous voyons pas dans le boyau. On marche très difficilement, nous arrivons enfin après plusieurs effort au camp Blanchet où nous trouvons nos guitounes. Nous nous couchons, c’est bien 1h du matin.

 

6 juillet 1916

Repos le matin, on fait un bon nettoyage du corps puis l’après-midi on travaille dans les boyaux d’évacuation près du P6 du commandant.

 

7 juillet 1916

Même travail.

 

8 juillet 1916

Nous travaillons toute la journée : les uns sont désignés pour travailler à plusieurs endroits avec le génie au déchargement du matériel des autos camions.

 

9  juillet 1916

Nous cherchons des fascines le matin et le soir nous travaillons avec le génie.

 

10 juillet 1916

Nous travaillons dans le boyau tout la journée. Le soir, nous avons alerte et on se rend vers les premières lignes : on reste derrière jusqu’à 9h, on attend, tout est calme puis on rentre ainsi à la cagna.

 

11 juillet  1916

On est de service, on garde le matériel.

 

12 juillet 1916

Travail le matin, le soir on va travailler à la sape placer un réseau de fils de fer et on rentre vers les 1h30. Travail jusqu’à la soupe puis l’après-midi, on va relever en première ligne une autre compagnie le long de la voie ferrée. Nous occupons un bon poste, la nuit se passe tranquille.

 

14 juillet 1916

Tout reste calme, bombardement par notre artillerie sur le village. L’après-midi, l’ordinaire est amélioré : cigarettes, biscuits, champagne, chopine de vin, etc… puis repos.

 

15 juillet 1916

On roule quelques bobines de fils de fer puis le soir on va les placer.

 

16 juillet 1916

On donne un coup de balai à la tranchée puis repos.

 

17 juillet 1916

Même nettoyage.

 

18 juillet 1916

 Bombardement assez fort de part et d’autre

 

19 juillet 1916

Tout reste calme.

 

20 juillet 1916

Le matin, rafales de mitrailleuses à la relève des postes d’écoute.

 

21 juillet 1916

De même le soir à la nuit, violent bombardement au-delà de l’Harmanvillerkoff vers Vissimbach, ça dure près de 2h : c’est sûrement une attaque. La nuit est calme, le matin les mitrailleuses tirent quelques rafales à la relève des poste d’écoute.

 

22 juillet 1916

Avant le jour, un avion boche vient nous rendre visite : il est chassé par nos avions de chasse et ensuite canonné. L’après-midi, bombardement de part et d’autre, nous nettoyons la tranchée. Le soir, tirs de l’artillerie jusqu’à la nuit.

 

23 juillet 1916

Violent bombardement l’après-midi, les marmites viennent tomber près de notre cagna. Nous travaillons à faire des chevaux de frise et la nuit, nous allons les placer.

 

24 juillet 1916

Nous travaillons de même, la journée est plus calme !

 

25 juillet 1916

A la pointe du jour, bonne rafale de coups de fusil aux créneaux. Le soir à la nuit, violent bombardement, attaque de petits postes et patrouilles. Nous plantons des piquets de fils de fer en forme de tire-bouchon.

 

26 juillet 1916

Matin calme. Le soir, le bombardement du fortin près d’Aspach continue comme les jours précédents.

 

27 juillet 1916

Dans la journée, nous remplissons des sacs de terre. Le soir, tout est calme, mais à la nuit, une violente tempête se déclenche, plusieurs orages s’abattent. La nuit est tellement noire qu’on ne voit pas à deux pas : rien que des éclairs et le tonnerre qui gronde sans cesse avec rage. Nous nous trouvons au poste d’écoute et nous prenons la sauce jusqu’à la relève qui se fait à minuit et demi.

 

28 juillet 1916

La journée plus tranquille, le soir notre artillerie tire quelques rafales. Les boches ne répondent presque pas. A la nuit, l’orage vient s’abattre mais pas si fort que la veille : heureusement, nous nous trouvons à l’abri.

 

29 juillet 1916

A la pointe du jour, un épais brouillard vient entre les lignes. Des coups de fusil sont tirés,  des sapes sur les postes d’écoute boches. Nous, on répond aussi par des feux de salves, alors les boches répondent. Nos mitrailleuse envoient aussi de bonne rafales en échange.  L’après-midi, quelques coups de canon dans le patelin. Nous sommes relevés le soir à 7h par une autre compagnie. Nous allons en réserve au camp Blanchet : nous aurions mieux aimé rester à ce poste car on y est bien et tout y est tranquille.

 

30 juillet 1916

Repos le matin, l’après-midi tout le monde au travail. On repart par équipe, chacune à son chantier : les uns sont au déchargement des camions autos et chargement des voitures, les autres aux sapes puis aux cuisines, au camp Blanchet près de l’abri du commandant. La nuit, il y en a 60 qui vont travailler à la sape faire un boyau et placer du fil de fer, etc… Travail jusqu’à une heure du matin et le soir on a repos jusqu’à midi.

 

31 juillet, 1,2,3,4 et 5 août 1916

Même travail.

 

6 août 1916

Nettoyage toute la journée. Le soir, on va relever aux sapes en première ligne, tout est calme.

 

7 août 1916

Le matin, quelques fusillade à la relève des poste d’écoute. Dans l’après-midi, les boches  nous envoient 40 obus de 88 autrichiens qui arrosent notre tranchée et notre cagna sans avoir aucun mal. Après ça, notre artillerie répond sur la batterie boche qui se trouve dans le bois derrière Aspach

 

8 août 1916

C’est calme, nous travaillons dans l’après-midi à arranger notre tranchée de tir.

 

9 août 1916

Bonne rafale de mitrailleuse de part et d’autre. Nus répondons aux fusils énergiquement pendant une heure, après le calme revient.

 

10 août 1916

Avant la pointe du jour, les boches nous appellent. Des nôtres, à la gauche, répondent : “Fritz au jus”, etc…. La discussion dure un bon moment mais on ne comprend rien dans leur langue. Au jour, on se tire des coups de fusil pendant plus d’une heure et la nuit, les boches  nous crient aussi. On commence par s’engueuler puis ils demandent “quelle compagnie ?”, puis “Venez ici”, “France perdue”, “Françousse capout”, “Vive la Prusse”, etc… ça dure un moment. Nous nous trouvons au poste d’écoute puis enfin, la nuit reste bien tranquille. Nous les entendons travailler puis rafale de notre 75 sur leur ravitaillement qui s’amène dans le village d’aspach, de même sur leurs petits tramways.

 

11 août 1916

Au matin, nous apprenons la relève du soir. Des officiers viennent reconnaître les tranchées : en effet, vers les 9h, nous sommes relevés par un bataillon du 23e terr. Nous partons en vitesse dans les boyaux, ça file puis nous arrivons à Michelbach. Là, nous faisons la pause puis nous traversons Guevinain où nous trouvons les cuistots du 32eme qui nous apprennent leur relève. Enfin, nous tombons à Soppe-le-Haut où nous croyons cantonner mais il en reste bien. Notre compagnie monte à Amorvillers, nous nous couchons vers les 1h du matin.

 

12 août 1916

Repos complet. Le soir, nous partons à 6h. Nous quittons le patelin pour de bon; nous passons à Soppe puis nous montons. Nous traversons La-Chapelle, village assez important,   usines, etc… Nous voyons même beaucoup d’embusqués, puis nous voilà en France. Nous arrivons à Reppes, petit village où nous cantonnons près du camp d’aviation. Arrivée vers les 11h, nous sommes bien reçu par les habitants. On est assez bien couchés, on roupille bien jusqu’au lendemain matin.

 

13 août 1916

On a nettoyage, revue, repos, etc…

 

14 août 1916

On change des effets et douche.

 

15 août 1916

Repos complet, on peut aller à la messe, etc… A la nuit, il vient un avion allemand lancer des bombes : il en laisse tomber 5 ou 6 près de Fontaine près du  camp d’aviation. Les mitrailleuses sont vite en batterie et tirent pendant longtemps mais le taube disparaît après avoir accompli son oeuvre et repart en vitesse. Ces bombes font trembler les maisons de nos cantonnements.

 

16 août 1916

Marche de bataillon, réveil 3h, départ 4h. On passe Fontaine, puis Moulin-aux-Bois, Frais;  des petits villages que nous traversons en chantant des vieux refrains puis on prend la grande route et on rentre par Fontaine vers 8h à Reppes, étape de 15 km. L’après-midi, revue des masques par le major.

 

17 août 1916

Le temps est pluvieux, la marche n’a pas lieu. Revue de fusil et d’équipement. L’après-midi, exercices aux abords du village, déploiement en tirailleur et d’autres exercices d’embarquement où je fais partie de l’équipe.

 

18  août 1916

Le temps est pluvieux, on reste au cantonnement. L’après-midi, même exercice que la veille.

 

19  août 1916

Départ de la compagnie à 4h10. Même itinéraire que la dernière marche; le soir, exercice, des théories.

 

20 août 1916

Réveil 3h, nous embarquons à Montreux-Vieux vers les 7h. De là, nous passons par Belfort, Lure, Epinal puis Arches où nous débarquons. Arrivée vers 6h du soir, nous allons cantonner dans un  beau patelin appelé Raon-les-Bois et d’autres sont à Raon-Bas, petit village près du camp d’instruction.

 

21 août 1916

Repos et nettoyage, installation au cantonnement.

 

22 août 1916

Réveil 5h, à 5h30 nous partons à l’exercice avec tenue de campagne complète. Nous rentrons à 10h30. Après le soir, de 1h à 4h, exercice près du pays de Raon.

 

23 août 1916

Même exercice mais voilà que l’après-midi, je pars en permission de 6 jours. Je passe à Arches où là je prends le train à Épinal, nous changeons. Nous avons 4 heures d’arrêt puis nous passons par Gray puis Bheveux où nous changeons. Enfin, nous arrivons à Chagny,  nous changeons aussi. De là, nous passons à Nevers, Bourges et Vierzon où nous changeons. De même, nous marchons sur Limoges, Brive et Cahors puis Montauban où je débarque. Je vais mettre en règle ma permission et je rentre au foyer paternel. Arrivée le 25 à 7h en gare, je passe une bonne permission et je repars ensuite le 1er septembre 1916.

 

Fin du livre,

Gabriel Bouffies.

 

chanson ( marche)  Guillaume 2

couplet 1 :  

Guillaume, qui rêvait la guerre, croyant gouverner la terre, dit à ses soldats : tapez dur dans le tas et surtout ne reculez pas/  enivrant tout au carnage, nourrissez-vous du pillage, faites-vous bandits, il faut à tout prix je sois bientôt à Paris mais les Français près du Rhin, en chargeant poussèrent ….

 

refrain

si ça peut faire ton bonheur

Ha ! Guillaume, ah ! Guillaume

si ça peut faire ton bonheur ça va chauffer tout à l’heure.

 

Couplet 2 :

Sans se méfier d’une chute de vent, nous fuit la culbute et Guillaume surpris dit à ses amis “  sommes-nous déjà à Paris ?” Je ne sais pas si la malignité peut nous faire marcher si vite mais en vérité bien loin d’avancer et je crois que j’ai reculé et riant de sa fureur, les Français chantent en cœur le même refrain

 

Couplet 3 :

Ma gloire vient de finir

Je suis perdu dit l’empereur

j’entends mes aigles frémir

et les Français chantent en cœur

fuir ou me retirer, je ne puis espérer

je vois avec effroi, les nations contre moi

que vais je devenir, je n’ai plus qu’à mourir, en disant aux Allemands, tout est perdu,

faites en autant

 

refrain

 

Page d’amour, lettre de mobilisé à sa fiancée (air sur le lac d’Annecy)

 

1 couplet :

à quoi bon se désespérer sans raison

console-toi charmante maîtresse

souviens-toi de mes tendres promesses

car vainqueur je reviendrai

du champ d’honneur.

la délivrance et l’espérance

nous rendront le plus parfait bonheur

 

refrain

et dans la nuit seuls et sans bruit

loin de l’orgie et de l’infamie

nous partirons et fêterons notre beau retour

il est grand jour de nos amours

 

2 couplet

Trop d’horreurs ont déjà envahi nos cœurs

oublions ces longs jours de tristesse

et songeons aux futures caresses

des baisers bientôt nous pourrons nous griser

en récompense de ma vaillance

nous partirons nous enlacer.

 

3 couplet

Qu’à l’effroi qui s’était emparé de toi

succède une joie sans pareille

que l’amour dans ton coeur se réveille

l’avenir nous réserve de doux plaisirs

jours de gloire et de victoire

viendront à jamais nous unir

 

Fin

 

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